La mutation digitale du service comptable expliquée par Erwann Tison, Institut Sapiens

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Dans le cadre du livre blanc Automatisation de la fonction comptable : opportunité ou menace, Trustpair donne la parole à Erwann Tison de l’Institut Sapiens pour partager sa vison de l’évolution du métier de comptable en entreprise.

Économiste et diplômé de l’Université de Strasbourg, Erwann Tison est Directeur des études à l’Institut Sapiens. Cette Institut travaille essentiellement sur les effets du digital sur la société actuelle, et cherche à comprendre comment le numérique bouleverse les structures socio-économiques de notre pays. Elle apporte une réflexion auprès du marché de l‘emploi et veut sensibiliser les entreprises et les professionnels de l’effet de la robotisation sur les emplois. 

Automatisation fonction comptable - Livre blanc Trustpair

L’automatisation des tâches et la fonction comptable sont-elles compatibles ?

Lorsque l’on rencontre différentes entreprises ou différents comptables, on s’aperçoit qu’il y a plusieurs types de comptabilité :

  • les comptables comme on les fantasme, c’est-à-dire ceux formés encore à faire des comptes en T sur papier, sur la base de paradigmes plutôt anciens ;
  • les comptables en entreprises ou en cabinets qui ont compris que leur métier sera amené à fortement évoluer. 

Sous l’effet de cette évolution, et au vu de l’automatisation des tâches, le comptable de demain ne sera plus le comptable tel qu’on le connaît aujourd’hui. Le comptable de demain ne fera presque plus de comptabilité. C’est pour ça que son corps de métier peut être jugé comme étant en voie d’extinction

Les tendances actuelles nous enseignent que le comptable a tendance à se spécialiser en entreprise vers de l’expertise comptable ou vers du conseil stratégique et financier. Mais de part sa connaissance, son bagage théorique et sa maîtrise pratique, le comptable est quelque part un peu obsolète face à un logiciel intelligent qui fait de la comptabilité à sa place. D’un autre côté, il prend une autre valeur ajoutée parce qu’il peut dès lors se concentrer sur des tâches beaucoup plus intellectuelles qui ne le faisait avant. Le comptable passe donc d’un rôle de rapporteur, à un rôle de prospecteur.

Le concept de destruction créatrice avancée par l’Institut Sapiens s’applique-t-il à la situation du comptable en entreprise ?

Le concept de destruction créatrice est de dire qu’une technologie vient bousculer le monde actuel pour faire disparaître tous les artefacts anciens et en faire émerger de nouveaux. Concrètement, ça veut dire que certaines tâches vont disparaître, mais que d’autres vont apparaître. 

En ce qui concerne le métier de comptable, vous avez aujourd’hui des logiciels d’automatisation qui permettent de réaliser de la comptabilité 24h/24h, couplé à de l’Intelligence Artificielle qui reconnaissent certaines factures, les classent et les archivent directement. Le comptable en tant que tel n’apporte pas de valeur ajoutée, il y a donc destruction de ses tâches. Par contre, automatiser ces tâches-là permet de gagner un temps infini en entreprise en terme de traitement des données ou de partage des missions, conduisant à une augmentation de la productivité. Ce gain de temps va permettre au comptable de se concentrer davantage sur l’analyse, la prospection, la stratégie, la décision et le conseil. Des tâches disparaissent et d’autres émergent, ce qui prouve qu’on assiste à une transformation du métier de comptable en interne. 

Quelles sont les valeurs ajoutées du numérique pour la fonction comptable ?

Les logiciels intelligents réalisent plusieurs milliers d’actions à la minute, et sont capables d’informer si les informations traitées sont fausses, erronées ou incorrectes. De plus, la machine a une attention linéaire et est complètement constante, là où un humain va avoir une intention qui peut décliner. Il y a donc un réel gain d’efficacité. 

Les opérations sont réalisées en quelques dizaines de secondes alors qu’avant il fallait plusieurs minutes pour un humain. Les tâches étant numérisées, réalisées plus rapidement et avec un taux d’erreur beaucoup plus faible représente un gain de productivité conséquent pour l’entreprise.

Le comptable risque-t-il d’être un jour remplacé par une machine ?

Le risque premier, qui reste inhérent à l’évolution technologique, est de trop se reposer sur la machine et de voir disparaître la maîtrise intellectuelle du comptable. On assiste à une émergence de logiciels intelligents qui permettent de réaliser des tâches comptables en se passant de l’action humaine. Or, si pour certaines raisons la machine venait à faillir, l’humain doit être en mesure de se rendre compte de la situation puis de prendre le relais. La maîtrise comptable ne doit pas devenir un art qui se perd. 

Le deuxième risque, qui est à la fois un frein et une menace à terme, est de trop attendre des solutions d’Intelligence Artificielle. La plupart du temps, on les considère comme une solution capable de tout faire, de tout remplacer pour moins chère et de manière plus rapide. Mais il faut garder à l’esprit qu’elle ne reste qu’un outil au service du professionnel, et qu’elle n’est pas censée tout solutionner dans l’entreprise.

Les professionnels du métiers appréhendent-ils ces changements ?

Les professionnels n’ont pas peur de ces nouvelles technologies, mais ils restent pour la plupart réticents. C’est ce que l’on appelle le “syndrome des nouvelles technologies”. Ce sont uniquement les “cols bleus”, à contrario des “cols blancs”, qui n’ont pas peur d’être remplacés par la machine, car ils se considèrent sur-diplômés et irremplaçables. Le fait de ne pas être dans la réalité et de ne pas anticiper cette situation est dommageable pour les comptables, car ils n’ont pas le temps de se réinventer et de reconsidérer leur profession.

Par ailleurs, dès qu’une profession a été challengée par une évolution technologique, la technologie finit toujours par l’emporter sur l’humain. Plus les gens vont anticiper le changement en amont, plus ils vont pouvoir adapter leurs tâches et donc rester employables. Plus ils vont attendre pour le faire, plus ils risquent d’être remplacés par la machine.

A quoi ressemblera le métier de comptable dans 10 ans ? 

Ayant une connaissance extrêmement fine du fonctionnement de l’entreprise sur le point de vu comptable et financier, la ressource comptable sera beaucoup plus exploitée qu’elle ne l’est actuellement. 

Automatisation de la fonction comptable : opportunité ou menace ? Interview Erwann Tison

Ce qui est assez dommage et dommageable est que la plupart du temps, lorsqu’elle est traitée dans l’espace public, les questions de la digitalisation et de la robotisation sont prises sous un prisme négatif et anxiogène. Elles ont pourtant des conséquences positives pour tous les salariés : suppression de la pénibilité, hausse de la productivité, etc. Si certains emplois vont disparaître, d’autres vont émerger. La digitalisation ne doit pas être perçue comme une mauvaise chose. Grâce à la technologie, le comptable va pouvoir s’affranchir des tâches administratives et répétitives, et va devenir une pièce maîtresse de l’entreprise. 

Pour conclure : quels conseils donner à un service comptable qui souhaite se digitaliser ?

  1. Expliquer, expliquer, expliquer. Toute technologie, lorsqu’elle est nouvelle, et forcément incomprise par les personnes, et cette incompréhension fait naître une peur presque irrationnelle. Il faut donc au préalable expliquer le fonctionnement de cette technologie et ce à quoi elle va servir au sein de l’entreprise. Aujourd’hui, la formation des comptables n’est pas adaptée si on ne leur explique pas les tenants et aboutissants des différentes technologies qui peuvent les “concurrencer”. Il faut absolument que les comptables tiennent compte de cette complémentarité.
  2.  Définir la place de la technologie, la complémentarité entre les effectifs humains et technologiques. Le rôle du manager est d’arriver à faire coexister deux forces différentes qui vont dans le même sens, sans pour autant présenter le digital comme à terme une solution visant à remplacer l’humain.
  3. La notion de manger est primordiale. Si la technologie présente des avantages énormes au niveau des coûts, il faut surtout être dans l’explication et l’accompagnement des différentes personnes. L’automatisation ne doit pas se faire contre la volonté des différents collaborateurs. De plus, les managers doivent dans leur politique quotidienne réaliser un effort pédagogique et une concertation avec les parties prenantes de l’entreprise pour justement définir la stratégie d’automatisation. Elle ne doit pas se faire dans un coin sans en parler aux équipes. Il est important d’inclure un maximum de personne la réflexion.

Si par rapport à l’intégration d’outils technologique, les comptables doivent effectivement être amenés à évoluer et effectuer d’autres missions , il y aura un effet nombre. Par exemple, si aujourd’hui l’équipe est constituée de trois comptables et que demain vous n’en avez besoin que d’un, il faudra former les deux autres à des métiers voisins à leurs compétences, comme les métiers du droit, du chiffre, de la certification… Cette politique de formation tout au long de la vie est indispensable.

Livre blanc Trustpair - Automatisation de la fonction comptable : opportunité ou menace ?


A propos d’Erwann Tison

En parallèle de son rôle de Directeur d’Etudes à l’Institut Sapiens, Erwann Tison a rédigé un livre intitulé “Les robots, mon emploi et moi », qui s’articule en trois parties :

  1. Explication : pourquoi est-ce qu’un employé peut être remplacé par des technologies et quelles sont les technologies innovantes qui viennent concurrencer les emplois ?
  2. Typologie : quels sont les métiers concernés ? Aujourd’hui, lorsqu’on quantifie les métiers, 42% d’entre-eux sont voués à disparaître dans les 15 à 20 prochaines années. 
  3. Conseils : pour accompagner la révolution digitale en entreprise en se basant sur la formation et la réforme de la protection sociale. 

La comptabilité a d’ailleurs été un point intéressant lors de l’élaboration du livre. En effet, si les révolutions technologiques – depuis plus de 300 ans – ont toujours concerné les métiers les moins qualifiés, appelés “cols bleus”, la révolution propre à notre époque est à la fois manuelle et intellectuelle. Elle challenge ainsi l’ensemble des corps de métier, incluant alors les “cols blancs”, comme les comptables.


 

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