Dans le cadre du livre blanc “Data Management : le remède contre la fraude au virement”, Trustpair donne la parole à plusieurs associés PwC afin partager leurs expertises et nous éclairer sur la réalité de la gestion des données au sein des entreprises, et plus particulièrement des Directions financières.
Pour restituer ces paroles d’experts, nous vous proposons une série de deux articles. Dans celui-ci, nous nous intéressons à la notion de Data Management, et comment elle se traduit aujourd’hui au sein des Directions financières.
Avec le témoignage des experts :
- Laurent Morel, associé PwC France et Maghreb, responsable des activités de Conseil pour les Directions Financières. Il intervient plus spécifiquement auprès des acteurs du secteur Energie & Utilities.
- Cyril Jacquet, associé PwC France et Maghreb, spécialisé dans le domaine du conseil en technologie, analyse digitale et Intelligence Artificielle. Il intervient sur l’ensemble des sujets propres à la data et au digital.
En quoi consiste le Data Management ?
“La gestion des données est un sujet essentiel pour l’ensemble des entreprises pour des raisons business, d’opportunité, de gestion des risques et d’efficacité interne.” – Laurent Morel
Le Directeur financier a longtemps été le garant de certains référentiels de données et notamment des référentiels comptables. Cette position a été renforcée par le déploiement des ERP. Aujourd’hui « la donnée » est d’une part plus transverse à l’intérieur de l’entreprise (données métiers) et d’autre part parfois externe à l’entreprise.
“Le Directeur financier se retrouve à partager des données avec d’autres fonctions, voire à utiliser des données externes, ce qui le pousse à avoir une approche et une appréhension différente quant à sa gestion.” – Laurent Morel
Pour faire suite, Cyril Jacquet explique que dans les années précédentes, les organisations disposaient d’un ERP unique, souvent financier, où la donnée était centralisée et simple d’accès. Aujourd’hui, on voit apparaître des multiples solutions spécifiques à chaque fonction telle que commerciales ou RH, ainsi que des systèmes experts pour traiter les opérations.
“On voit aujourd’hui un paysage applicatif et des systèmes de données de plus en plus éclatés et souvent silotés.” – Cyril Jacquet
En effet, chaque système embarque ses propres données et référentiels, et in fine, les équipes ne parlent plus le même langage s’ils n’ont pas mis sous contrôle leur référentiel de données. Souvent, c’est au Directeur financier de donner les grandes lignes pour que ces données se rattachent à une réalité financière, surtout lorsque plusieurs niveaux de données sont partagés en entreprise comme les informations :
- publique, à laquelle tout le monde peut accéder
- sensible, qui doit être accessible à une petite partie de l’organisation
- stratégique, qui doit être extrêmement sécurisée pour ne pas créer des délits d’initiés par exemple.
“Face à une concurrence de plus en plus active, aux nouveaux entrants (Startup, Gafa, Batx), gérer sa donnée, la maîtriser et la sécuriser sur tous les aspects, qu’ils soient opérationnels, réglementaires devient essentiel pour gagner en efficacité opérationnelle, bâtir de nouveaux services et faire évoluer les business model, !” – Cyril Jacquet
Le DAF est-il le chef d’orchestre de la donnée en entreprise ?
”Savoir qui est le garant de la donnée en entreprise est un vrai sujet aujourd’hui.” – Laurent Morel
Évidemment, le Directeur financier veut s’assurer que la gestion des données est alignée avec ses contraintes de réglementation financière et comptable. Mais les autres fonctions (commerciaux, opérationnels ou RH) ont aussi besoin de gérer et valorise leur propre donnée : L’équilibre parfait est compliqué à trouver.
La donnée est-elle partagée entre la DAF et la DSI ?
“La donnée n’est pas forcément partagée qu’entre la DAF et la DSI. Il y a beaucoup de données métiers sur lesquelles la Direction financière doit avoir un regard.” – Laurent Morel
“La communication entre les différents services est essentielle pour assurer une bonne compréhension de la data.” – Laurent Morel
Finalement, qui porte le Data Management dans l’entreprise ?
“Appliquer une vision ultra-centralisatrice où une seule personne porte le sujet de la data est obsolète.” – Laurent Morel
Si sur certains sujets la Direction financière est légitime, elle doit sur d’autres s’associer avec d’autres services. D’où toute la complexité de la gouvernance de la Data :
- Est-ce qu’on l’insère dans un service spécifique ?
- Est-ce qu’on créer un poste de CDO (Chief Data Officer) ?
- Quel est le rôle du CDO et est-ce qu’il opère avec la DSI ?
- Comment on gère la notion cyber liée à la Data ?
S’il n’y pas forcément de solutions uniques, de nombreux sujets restent à traiter en entreprises.
“Parler de nouveaux métiers est dans certaines entreprises un peu tôt … En revanche, on voit clairement la montée en compétence sur la gestion et l’utilisation de la Data : c’est une vraie transformation !” – Laurent Morel
Dans certaines entreprises plus matures, le terme de nouveau métier peut être approprié. Mais aujourd’hui, notamment dans la sphère controlling, il y a un besoin fort de mieux appréhender les sujets liés au traitement de la data et sa déclinaison « business », que ça soit sur des éléments en amont ou sur des sujets de Data Visualisation & Prospection.
Quelles données les Directions financières sont-elles amenées à maîtriser aujourd’hui ?
“Il a plusieurs natures de données : la données financières, commerciales, externes. Il y aussi celles liées à la sécurité des systèmes. Une notion à prendre en compte car c’est justement ce qui fragilise l’entreprise.” – Laurent Morel
La donnée financière
La donnée financière est évidemment sous le périmètre de la finance. Mais elle est aussi alimentée par d’autres acteurs qui poussent la DAF à aller voir plus largement. On peut parler par exemple de tous les agrégats de données opérationnelles, car la Direction financière est souvent la chaîne qui porte tout le pilotage de la performance. Il y a aussi une logique de KPI qui n’est pas uniquement de la donnée financière pure, mais qui s’appuie sur d’autres sujets. Dans tous les cas, la DAF a un rôle à jouer.
“Attention, la valeur ne réside pas seulement dans le chiffre de la comptabilité générale ! Elle est aussi dans la prise en compte de l’activité, des coûts, des gammes de produits et de production, des RH, de la R&D … Il y un vrai intérêt à croiser les données.” – Laurent Morel
La donnée commerciale
La donnée commerciale doit être partagée entre les services commerciaux et financiers. “Nous avons déjà vu des cas, précise Laurent Morel, où le Directeur commercial annonçait un chiffre d’affaires non aligné avec celui partager par le DAF.” Assurer une bonne communication des données transcende le prisme de la Direction financière.
La donnée externe
Les Directions financières n’utilisent pas toutes de données externes. Mais il y a de plus en plus de sociétés qui vont aller acheter des données de sondages, ou récupérer des données publiques, pour pouvoir identifier des corrélations avec leurs activités et prévoir des tendances.
La donnée extra-financière
“Aujourd’hui, la communication des entreprises concerne la communication financière et extra-financière. Or, la communication extra-financière prend de l’importance, comme avec la dimension ESG. D’ailleurs, 60% des DAF considèrent le reporting extra-financier est aussi important que le reporting financier.” – Laurent Morel
Avec la prise en compte de cette dimension extra-financière – qui n’est pas habituelle pour une DAF car on parle ici de CO2, de sécurité, de biodiversité – on inclut des notions qui ne sont pas toujours dans les mains du DAF, mais plutôt dans celle de la Direction RSE. Pour autant, il faut croiser ces métiers afin de bien définir comment la data est collecté, fiabilisé et qualifiée.
“La dimension ESG est un champ à ouvrir et dans lequel la Direction financière à un rôle à jouer : elle ne peut pas publier des comptes en ayant une communication extra-financière incohérente par rapport au reporting financier.” – Laurent Morel
Pour conclure :
“Aujourd’hui, les Directions financières souhaitent regarder le futur : elles veulent voir ce qui pourrait se passer.” – Laurent Morel
Les entreprises sont très matures dans la vision “rétroviseurs” – ce qu’il s’est passé avant – mais leurs objectifs est d’aller vers la prédiction, afin de déceler des tendances et des insight pour les aider dans leur prise de décision. Mais cela nécessite un certain volume de données qui soit fiable, de qualité et propre dans toutes les fonctions. Et c’est justement sur ce point que les entreprises peinent.
“Le sujet de la data est de plus en plus important et transverse aux organisations et au-delà. Il mobilise de plus en plus d’acteurs, de moyens, de technologies, et nécessite une forte sécurité cyber en vue des nombreux niveaux d’informations partagés.” – Cyril Jacquet